Introduction
Quelques jours avant Noël 2010, la neige était tombée en abondance sur le sud du Pays et même si ce n’était pas la première fois, la situation allait vite dégénérer provoquant le chaos sur les lignes du sud de la Belgique, en particulier sur l’axe Namur - Arlon - Luxembourg…
Dans cet article, je vais relater quelques souvenirs qui me restent de ces jours autour de Noël… Je n’ai pas de photos de l’époque, les GSM n’étaient pas aussi performants que les smartphones d’aujourd’hui.
Plus personnellement, cet hiver 2010-2011 plutôt froid et neigeux entre fin décembre et début janvier marquera un tournant majeur dans ma carrière suite à une chute idiote sur le verglas… aux conséquences pérennes.
L’hiver 2010-2011 a été un des plus froids et plus humides de ces dernières années… et le dernier hiver fortement neigeux dans la région dont je me souvienne…
23 décembre 2010
Je ne sais plus exactement quand il a commencé à neiger, mais ce qui est sûr, c’est que ce jour-là, les premières perturbations ont débuté pas vraiment sur le rail mais sur les routes… Beaucoup de collègues habitant loin, j’avais pris la décision de venir plus tôt le matin de façon à pouvoir assurer les premiers trains, au cas où. J’habitais à dix bonnes minutes à pied du dépôt ce qui rendait les choses plus faciles.
24 décembre 2010
Je suis donc arrivé le matin à un peu moins de 4 heures comme je l’avais prévu (mon service commençait à 5 heures). Certains collègues n’avaient pu repartir la veille et avaient dormi au dépôt! L’ambiance était particulière mais la bonne humeur régnait!
Le problème avec le matériel roulant moderne bourré d’électronique, c’est qu’il est très sensible aux intempéries… Les Eurostar et les Thalys ont connu de nombreux problèmes suite à la neige très fine qui s’infiltrait par les grilles d’aération et provoquait des perturbations au niveau informatique embarquée et donc de gros problèmes d’exploitation.
Le matériel diesel ou plus ancien, plus simple technologiquement est moins sujet aux pannes ou alors les pannes sont dues à leur grand âge parfois! Un autre problème!
Les premiers trains IC vers Bruxelles étaient assurés en rames de voitures M6 à deux étages tirées par des locomotives série 20 assez capricieuses, même en temps normal… Il faut dire que ces machines dataient du milieu des années 1970, et qu’elles étaient pourvues d’une technologie non encore éprouvée à l’époque de leur construction… C’étaient, en 1975, les plus puissantes du parc avec leurs près de 7000 chevaux. Leurs bogies CC (six essieux répartis sur deux bogies) leur permettait de tracter de lourds trains voyageurs ou marchandises sur les lignes 161-162, lignes parmi les plus ardues du réseau belge!
Finalement, il fut décidé d’utiliser deux autorails série 41, qui circulaient normalement uniquement sur la ligne vers Virton, Bertrix et Libramont, pour assurer le train IC 2129 vers Bruxelles.
Ci-dessus : un autorail série 41 à Arlon. C’est avec ce matériel que nous avons effectué le trajet Arlon - Jemelle ce 24 décembre 2010
La veille de Noël, peu d’habitués (beaucoup sont déjà en congé) mais plutôt une clientèle occasionnelle qui se déplace pour rendre visite et passer le réveillon en famille. La journée s’annonce compliquée, très compliquée même.
Très vite, il est décidé que ce 2129 n’irait pas au-delà de Jemelle car en cet endroit, la situation était moins problématique. Les trains circulaient relativement normalement vers Namur et Bruxelles.
A 6 h 40, nous avons donc démarré avec nos deux autorails vers Jemelle en IC avec des arrêts à Marbehan, Libramont et Jemelle. La clientèle était rare et compréhensive. A Jemelle, nous avons attendu un moment avant de repartir vers Arlon.
Si l’aller s’était plutôt bien passé, le retour s’avérait déjà plus problématique du fait d’une affluence bien plus forte qu’aller… Je ne sais plus combien de collègues étaient avec moi, mais nous nous étions réparti les tâches pour assurer au mieux le service… Il en fallait un pour donner les départs et un qui s’occupe de faire les annonces.
Passer dans le train : impossible tant il y avait du monde. Ainsi, je suis resté dans le poste de conduite d’un des deux autorails et ai pris en charge les annonces. Bon an, mal an, nous sommes arrivés à Arlon et tout le monde a pu arriver à temps pour le réveillon. Ceux qui allaient à Luxembourg pouvait prendre un autre train pour continuer leur voyage.
25 décembre 2010
La neige était encore tombée et la situation était encore plus chaotique… C’est bien simple, il n’y avait aucun train entre Arlon et Jemelle (ou Namur, je ne sais plus). Il y avait bien eu un improbable essai d’une rame tractée avec une série 20 accouplée à une locomotive diesel série 77 qui était disponible à Stockem. Le problème venait de la mauvaise captation du courant par la machine électrique. La 77 devait servir à tracter le train et la 20 était nécessaire pour le chauffage de la rame… Cette solution ne fut pas vraiment un succès…
Ce jour de Noël, je faisais le service de planton et tout à la fin, la permanence m’a demandé si je voulais bien faire un aller et retour jusqu’à Luxembourg vu que la situation s’améliorait un tout petit peu. Si peu puisque le train de retour n’irait pas au-delà d’Arlon. Je suis donc descendu à Luxembourg avec deux AM 96 et au retour, avant le départ, il a fallu informer les voyageurs présents, qui étaient assez nombreux, que le train n’irait pas plus loin qu’Arlon, invitant ceux qui allaient à Bruxelles à plutôt voyager via Troisvierges et Gouvy vers Liège d’où ils pourraient poursuivre vers Bruxelles. La ligne du Nord (Luxembourg - Troisvierges - Gouvy)/ 42 (Gouvy - Rivage - Liège) qui est électrifiée en 25 kV, était apparemment moins sensible aux intempéries… Une partie de la clientèle était mécontente mais la plupart comprenait la situation… à l’exception d’un voyageur en première classe (il faut toujours une exception pour confirmer la règle, n’est-ce-pas?).
26 décembre 2010
Premier jour ouvrable après ce Noël particulier sur la ligne 162. Un plan de secours avait été pensé et mis en place : puisque les AM 96 sont équipées de moteurs triphasés à courant alternatif et que ceux-ci semblaient ne pas aimer la neige… il fut décidé de ne les faire rouler qu’entre Arlon et Luxembourg d’une part et entre Namur et Bruxelles d’autre part. Le trajet Arlon - Namur et retour étant assuré à l’aide… d’automotrices doubles classiques. Nos bonnes vieilles automotrices ne craignait pas cette neige! Pour les voyageurs, c’était ennuyeux puisqu’ils devaient changer deux fois de train mais au moins, la situation se stabilisait et le service était rétabli. Nos services et ceux des conducteurs avaient du être adaptés, ce qui n’est pas une mince affaire dans une période où beaucoup prennent quelques jours de congé… Ce jour-là, j’ai donc assuré un aller et retour IC Arlon - Namur en automotrices doubles. Vu qu’il y avait un temps de battement à Arlon et à Namur, ça n’engendrait pas de perte de temps d’autant que les rames étaient reçues quai à quai pour faciliter le transbordement tant à Arlon qu’à Namur.
Ci-dessus : une automotrice classique arrivant de Luxembourg en gare d’Arlon, un jour de neige en janvier 2004, c’est avec ce genre de matériel que nous avons assurés des IC Arlon - Namur le 26 décembre 2010 - Photo de l’auteur
Au retour, je me souviens que l’on a du récupérer la clientèle du train précédent, à Jemelle, si je me souviens bien, car une des automotrices du train en question avait connu un problème assez grave provoquant un début d’incendie (heureusement sans conséquences graves sinon une grosse frayeur). On peut dire que le sort s’acharnait…
Conclusion
Ce furent des jours assez difficiles mais finalement, tout s’est plus ou moins bien passé et cela fait des souvenirs qui restent, ça c’est une certitude!
Pour ma part, le pire était à venir… une bonne semaine plus tard, en me rendant au dépôt au petit matin (à 3 h 15) pour prendre mon service, j’ai malencontreusement glissé sur le verglas…
C’était le 6 janvier 2011, la pluie avait remplacé la neige et ce redoux rendait les sols très glissants… Malgré toutes les précautions, à mi-chemin entre mon domicile et le dépôt (qui n’était que de 800 bons mètres), je n’ai pas vu un fin filet d’eau qui s’écoulait d’une corniche et qui sur le sol gelé formé une fine couche de verglas, la rue était moins bien éclairée à cet endroit si bien que je n’ai pas vu ce mince filet, et ai chuté violemment en tombant à la renverse… Lorsque j’ai repris mes esprits, j’ai vu mon pied droit tordu presqu’à angle droit… Je me suis traîné comme j’ai pu jusqu’à un seuil d’où j’ai prévenu ma permanence que je ne pouvais plus avancer…
J’avais un ami qui avait passé quelques jours chez moi et heureusement, son téléphone était allumé, il est venu me chercher pour que je puisse me mettre à l’abri sous le porche de mon immeuble en attendant que l’ambulance arrive…
Arrivé aux urgences, une fois ma bottine de sécurité enlevée, toute la gravité des lésions est apparue. Certes, je n’avais pas de fracture ouverte grâce aux bottines de sécurité mais ce sont les ligaments qui avaient tout pris… Je serai opéré d’urgence le lendemain et aurai une immobilisation totale durant deux mois avec deux grandes vis dans le bas de la jambe droite (pour l’anecdote, elles me seront enlevées le jour de mon anniversaire au mois de mars 2011)… et ensuite une longue convalescence…
J’ai gardé des séquelles graves de cette “bête” chute et après cet accident, plus rien ne fut comme avant au boulot… Même si j’avais pu reprendre mon service avec restrictions, ce fut compliqué et à chaque fois qu’il y a(vait) de la neige ou du verglas, une certaine angoisse m’étrei(gnaie)nt… L’âge avançant, les séquelles se sont aggravées… provoquant divers soucis médicaux dont de l’arthrose et un raidissement de l’articulation de la cheville… Ce qui aura finalement pour conséquence un retrait du service pour raisons médicales… et une mise à la retraite anticipée…
Dans ma vie personnelle, cela a également eu des conséquences pour l’amateur de longues randonnées dans nos belles régions de l’Ardenne-Eifel… Si je peux encore en faire, ce qui tient du miracle d’après le chirurgien, je ne peux plus les faire aussi longues et ardues qu’avant… ce qui est souvent source de frustration…
Quoiqu’il en soit, ce souvenir de Noël restera sans doute encore longtemps un souvenir au goût étrange!
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